LE CIEL S’ASSOMBRIT SUR LE STADE BARTHELEMY BOGANDA APRES QUE JESUS AIT FRAPPE A TROIS REPRISES
Par Gilles Mazoungou
Le 1er Octobre 1982, alors que je venais de faire ma rentrée scolaire au lycée d’Etat des Rapides de Bangui, au retour, assis derrière la mobylette d’un ami qui me ramenait à la maison, on s’est fait percuter par une moto sur l’avenue BOGANDA. Blessé à la cheville, je suis transporté à l’hôpital général vers 11heures.
Aux environs de 16 heures, je n’avais toujours pas reçu les premiers soins nécessaires pour cette cheville qui a doublé de volume lorsque le directeur de l’hôpital de l’époque faisait la tournée des chambres pour prendre les nouvelles de ses patients. C’était le Président de L’AS TEMPETE MOCAF de l’époque. Jeune et très timide à l’époque, fervent supporter des Rouges et Noirs, je prends mon courage à deux mains et je l’interpelle en lui serrant la main comme nous les Alliés nous avons l’habitude le faire. Je lui explique ma mésaventure, n’ayant pas reçu de soins depuis ce matin. Il ordonna aussitôt qu’une chambre me soit allouée et qu’on s’occupe rapidement de cette cheville qui au final était fracturée. Ce qui fut fait dans la minute qui suit.
Le lendemain, mon beau-frère me fait une agréable surprise, moi supporteur de L’AS TEMPETE MOCAF. En me rendant visite à l’hôpital, il se fait accompagner du grand milieu de terrain international MONGOLOBAO de la Grande OLYMPIQUE REAL de Bangui des débuts des années 80. Le Real de Bangui avait remporté le championnat de foot cette année et se préparait à jouer son match retour contre Petro Athlético de Luanda, après avoir perdu le match aller en Angola.
Toujours émerveillé par la présence de cette star du football centrafricain et de surcroit rival de l’AS TEMPETE MOCAF à mon chevet, j’ose lui dire que j’aimerais bien assister à cette rencontre retour qui aura lieu le dimanche dans 5 jours, mais compte tenu de mon Etat de santé et de surcroit je ne pense pas avoir les moyens financiers nécessaires pour ce grand RV des amoureux du Foot Ball.
Cinq jours plus tard, ce dimanche matin alors que la capitale Centrafricaine se préparait pour ce grand RV, un taxi se gare devant la maison familiale sis quartier Benz-vi, à la demande de monsieur MONGOLOBAO pour me conduire auprès de Verts et Noirs qui étaient en train de prendre le déjeuner d’avant match au Centre protestant pour la Jeunesse. MONGOLOBAO m’invite à sa table et je partage le repas avec eux. Au moment de se retirer il demande au Conducteur de ce taxi de m’emmener ensuite à leur lieu de retraite au camp Kasaï.
Quelques minutes plus tard je me retrouve au camp Kassaï et à ma grande surprise, d’une manière tacite, je suis autorisé à assister à la préparation traditionnelle de ce match avec des pratiques bien connues sur le continent mais qui n’ont pas encore permis à un pays africain de remporter une coupe du monde.
Tout l’effectif complet d’OLYMPIQUE REAL de Bangui dirigé par un grand arbitre de l’époque avait participé à ce rite, sauf le capitaine de l’équipe et titulaire incontesté, pour des raisons religieuses. A la sortie de cette salle de préparation personne n’était autorisé à se retourner avant de pénétrer sur la pelouse du Stade Barthélémy Boganda. Depuis le Camp kassaï jusqu’au stade, dans le bus qui nous conduisait, cette consigne a été respectée. L’entraineur, à la grande surprise générale a décidé de ne pas titulariser le Capitaine de l’équipe qui n’avait pas participé à ce rituel traditionnel pour des raisons religieuses. C’était la stupéfaction totale dans stade comble comme un œuf. Peu de temps après le début de la rencontre, Le Goléador de Real de Bangui, l’Attaquant vedette MAMOUAGBA avait déjà marqué à deux reprises, et l’équipe championne de la RCA avait déjà refait son retard.
Plus rien ne sera marqué, jusqu’à cette ultime minute de la fin du match lorsque le technicien Centrafricain décide de faire rentrer son capitaine titulaire. Alors que celui-ci n’avait pas encore touché le ballon. Le Géant Avant-centre Angolais « JESUS » a déjà inscrit 3 buts. Le ciel s’assombrit sur le stade BB quand l’arbitre décida de mettre un terme à la partie. Le Public Banguissois venait de vivre éveillé un cauchemar, un silence de Cathédrale régnait dans ce stade que personne ose quitter. Pétro Athlético de Luanda 3, le Réal DENDA de Bangui 2. Nous sommes éliminés.
Trente années se sont écoulées, en 2012, je me rends au pays pour mes traditionnelles vacances d’Eté, et comme on ne perd jamais les bonnes habitudes, je décide une après-midi en plein milieu de semaine d’aller regarder un match de Foot dans ce Joyau de 20000 places. Sur place quelques pèlerins se sont égarés et ne s’intéressent à peine au spectacle sur le terrain, même s’il est vrai que la ferveur d’avant n’existait plus. En me retournant, j’aperçois un Monsieur un peu fatigué par ces années passées et par les réalités du pays, la musculature ayant disparu mais le visage resté intact gardait toujours le même sourire. Je n’en revenais pas, c’était bien lui, ce grand joueur qui m’avait fait vivre l’un des moments les plus mémorables de ma jeunesse et qui allait m’ouvrir ce chemin que seul le sport peut nous y conduire. MONGOLOBAO alias MONGOLEY
Je décide symboliquement de partager avec lui les quelques arachides que je suis sorti acheter.
Au moment de se séparer, il se lève et me dit « Merci Grand Frère », je lui réponds : « Ainé ne te fie pas à ce corps gros de partout, SO GUI MAFOUTA LA, je ne suis que cette graine d’arachide que tu avais voulu arroser un jour de dimanche en 1982, et qui a bien pousse pour ouvrir la voie à d’autres graines dans ce que nous aimons tous : Le sport , merci pour ce que tu as fait pour moi, pour que je sois ce que je suis aujourd’hui, merci pour ce que ta génération a fait pour Nous »