SONNY M’Pokomandji

  SONNY M’Pokomandji ou « la valeur sûre »

Par éditorial bamaraebook.com

A bamaraebook, nous avons la volonté de retracer le parcours des grands sportifs, qui ont contribué au rayonnement de la jeunesse, à travers des disciplines collectives ou individuelles, tant dans les joutes scolaires, universitaires, que les championnats nationaux, sous régionaux ou continentaux.

 Aujourd’hui, nous rencontrons grâce à la magie des nouvelles technologies, un monument du sport en Centrafrique, peu connu de notre génération du millénaire, tant sa légende s’est construite au début des années soixante-dix ; nous voudrions citer ici, Sonny M’Pokomandji, le métronome de l’équipe nationale de basketball, champion d’Afrique 1974.

Dans cette interview titrée « Sonny M’Pokomandji ou la valeur sûre », tel l’homme aimait la perfection, la précision d’un horloger suisse, lorsqu’il délivrait les passes décisives, ou enrayait les actions des attaquants adverses, au mieux dans les actions de double pas, pour assurer un panier (marquer des points)

 Mais, il faut aussi noter son excellente carrière dans l’aviation civile, à la très prestigieuse agence de la navigation aérienne « Asecna », ensuite son implication assumée dans la politique, tour à tour membre du gouvernement et parlementaire,

L’idée, c’est de découvrir ensemble ce grand sportif, qui a décidé de lever le voile, sur sa passion du sport et nous faire partager son parcours combien édifiant,

 

 BamaraeBook1) Idéalement, la question qui nous vient, est de savoir quand et où aviez-vous commencé à pratiquer le sport ?

Mon nom est Sonny et, mon Prénom M’Pokomandji.

Beaucoup de gens, y compris des compatriotes mélangent souvent les deux et, certains pensent que mon nom est M’Pokomandji.

Après cette clarification et, avant de me soumettre très volontiers à vos interrogations, je voudrais vous préciser que les amis et coéquipiers de ma génération m’appellent « M’Pokson » ; sobriquet qui m’a été donné par le père de la modernisation du basket centrafricain, François Alfred Wilfrid Péhoua, Président de la Fédération Centrafricaine de Basket-Ball (FCBB) et, Président fondateur de Hit Trésor Sporting Club, mon second club. Ce sobriquet est tout simplement la contraction de mon prénom M’Pokomandji et de mon nom Sonny.

François Alfred Wilfrid Péhoua « Boston », comme nous l’appelions affectueusement, a donné à plusieurs joueurs du club Trésor des surnoms. Ainsi Barnabé Sangha = « Papa kimba » ; Georges Follot = « Igor » Georges en russe qu’il a adjoint à son identité ; Eloi Limbio = Carpenter ; Gaston Gambor = « James » allusion à l’acteur James Bond et son arme 007 (7 numéro du maillot de notre regretté) ; Mathieu Bisséni = « Belfort »….

 

Sonny M’Pokomandji 1) Honnêtement, je ne sais pas à quel âge j’ai commencé à pratiquer le sport. Sans prétention aucune, j’ai tendance à penser que le sport est inné pour la plupart d’entre nous. Dès que, je suis entré à l’école fondamentale, à Fort Archambault (aujourd’hui Sarh) au Tchad, j’ai commencé à courir, à sauter et, à jouer au foot avec les jeunes de mon âge.

Je vais vous raconter une anecdote. A Fort Archambault, les Oubanguiens, les Congolais et Gabonais étaient nombreux. Nos parents fonctionnaires de l’Afrique Equatoriale Française (A.E.F) y étaient affectés et y travaillaient. Pendant les vacances scolaires, lorsque les jeunes Oubanguiens venaient en vacances à Fort Archambault, nous jouions contre eux et, moi je faisais partie de l’équipe tchadienne.

J’ai donc joué au foot très tôt ; tout petit !

Par contre, je n’ai commencé la pratique du basket, qu’à 12 ans lorsque je suis revenu à Bangui, à l’école Lakouanga, où j’étais inscrit au CM2. Plusieurs de mes camarades de classe d’alors, sont devenus des grands sportifs. Je pourrais citer pèle mêle, Eloi Limbio, Joseph Marcel Bimalé, Gilbert Gombet, Michel Ngouandja…

Plus tard, j’ai joué au volleyball, au handball et j’ai fait du saut en hauteur en athlétisme.

 

BEB 2) Sous l’image d’une équipe déterminée, vous aviez avec vos coéquipiers du Collège normal de Berberati, arraché la victoire au championnat scolaire face à ceux du Lycée Barthélémy Boganda de Bangui, qui resta dans les annales jusqu’à nos jours. Pourriez-vous, nous en dire un peu plus sur cet exploit sportif, celui de ravir le trophée à une équipe de la capitale ?

SM 2) Avant d’aller au collège normal de Berberati, je jouais au foot ball en benjamin/minime dans l’équipe « Fu Manchu » devenu plus tard Fu Moura, puis Sporting Moura, avec Fabien Rekian, Charlie Perierre, Eloi Limbio entre autres.

Je vais vous raconter, comment j’ai pris une licence à Fu Manchu. A l’école Lakouanga, deux camarades de classe, en l’occurrence Joseph Marcel Bimalé, qui jouait dans Brazza devenu USCA et, Eloi Limbio de Fu Manchu voulaient que je vienne dans leur club respectif. Ne voulant frustrer personne, je leur ai proposé de faire le choix par tirage au sort et, Eloi a gagné. Voilà, comment  je me suis retrouvé dans Fu Manchu depuis minime jusqu’à la catégorie senior.

Ayant été admis au concours d’entrée en 6ème et, au concours de bourse, le frère mariste Claude Ligeon, qui jouait au foot en catégorie senior dans le même club que moi, m’a proposé de rentrer au juvénat de Berberati. Cette année, il était lui même affecté à Berberati pour enseigner au collège normal dirigé par les frères maristes. Ainsi, je me suis retrouvé à Berberati et, me suis fait de nouveaux camarades dont Lucien et Jean Mailli, Mathieu Bisséni, François Xavier Domoloma, Bernard Tabio, Charles Tilago …

Au collège à Berberati, tous les jours, du lundi au vendredi, de 16 à 18 heures, nous étions sur les terrains de jeu pour pratiquer la discipline de notre choix (foot, basket, volley et hand) du moins pour les sportifs.

Je dois signaler que nos terrains de jeu étaient construits par nous-mêmes (élèves et enseignants). C’étaient des terrains en terre battue sauf celui de foot qui était gazonné. Nous tracions nos terrains avec de la farine de manioc ; ce qui a marqué Claude Ligeon qui me l’a rappelé en 2010, lorsque je lui ai rendu visite à Villeurbanne en France, où il vit présentement avec Colette Marie son épouse et, où il s’occupe encore un peu de basket et de catéchisme dans un collège catholique proche de chez lui.

Au collège normal de Berberati, le foot et le basket étaient animés par le frère Claude Ligeon. Nous participions aux championnat régional et scolaire, de foot et de basket des ligue et circonscription académique de la Mambéré Kadéi. En fait de ligue préfectorale, il n y avait que les équipes de Berberati.

Il nous arrivait cependant, d’aller disputer des matchs amicaux de basket contre l’équipe de l’armée française, à Bouar au Camp Leclerc.

C’est dans cet environnement qu’en 1964, après avoir éliminé les équipes des établissements scolaires engagées dans les compétitions scolaires de la Mambéré Kadéi et de la Nana Mambéré, que notre équipe, celle du collège normal de Berberati, puisqu’il y avait aussi l’équipe du Lycée B.Boganda de Berberati, en catégorie cadette, s’était qualifiée pour jouer la finale à Bangui contre le grand Lycée B. Boganda de Bangui.

C’est à cette période que j’ai ressenti ma première grosse sensation en compétition. C’était en 1964.

Nous avions joué cette finale au stade B. Boganda qui était comble. Je me souviens des filles du Lycée M. J. Caron venues nombreuses pour supporter l’équipe du Lycée Boganda avec entre autres, Guy Darlan, Paulin Djamani…

Nous n’avions pas été impressionnés par ce public, qui nous était hostile au départ et, que nous avions conquis par notre jeu rapide et fait de contre attaques. Mathieu Bisséni, déjà bien grand pour son âge, a été bien utile aux rebonds aussi bien défensifs qu’offensifs. Ainsi, nous avons battu le lycée B. Boganda de Bangui et le public de Bangui venait de découvrir des futurs champions…  et moi, je venais de gagner mon premier trophée !

BeB 3) A quand, date votre engagement dans le Club Hit-Trésor de Bangui de basket-ball ?

SM 3) Après cette belle victoire et, ce premier titre de champion national scolaire cadet, la sélection de Berberati a eu à livrer par la suite un match amical contre la grande et belle équipe de Trésor Sporting Club de Bangui. Cette fois-ci, le match s’était déroulé à Berberati. Là encore, grande stupéfaction : la sélection de Berberati, composée de Mathieu Bisséni ; Gaston Koyt ; Claude Ligeon ; Bernard Tabio ; François Xavier Domoloma ; Gilbert Bec ; Pascal Kado ; Lucien Mailli ; Jean Mailli ; Charles TIilago et moi, avions infligé une sévère défaite à la « bande » à « Boston ».  Crime de lèse majesté !

Il n’était programmé qu’un seul match ; mais le Président de la FCBB, mauvais perdant, nous imposa un second match en nous menaçant de nous exclure de la fédération  en cas de refus de jouer ce deuxième match. Trésor gagna le deuxième match. L’affront ayant été lavé, la ligue de la Mambéré Kadéi a évité son exclusion de la fédération (rires) !

Je suis donc un produit de Berberati comme dirait un commercial…

C’est à l’issue de ces deux matchs à Berberati, que François Alfred Wilfrid Péhoua dit « Boston », Président de la FCBB et Président fondateur de Trésor Sporting Club nous a fait signer dans son club, (Gaston Koyt, Mathieu Bisséni, Jean Mailli et moi), lorsque nous sommes venus à Bangui pour poursuivre nos études au Lycée des Rapides, pour ce qui me concerne. J’ y ai passé deux années scolaires (2nd &1ère).

J’ai donc pris une licence et intégré Trésor Sporting Club de Bangui et non Harlem en 1965. J’y suis jusqu’ aujourd’hui, même si ma participation et, ma contribution au club ne sont plus aussi significatives comme par le passé.

A Berberati nous constituions une famille. Cela était d’autant plus facile, que nous étions dans le même établissement scolaire à l’internat et, nous nous côtoyions pratiquement tout le temps.

Je dois dire qu’au lycée des Rapides, je me suis retrouvé avec quelques anciens camarades de Berberati. Je m’en suis fait ensuite de nouveaux. C’est ainsi qu’avec Jean Limbassa, Prosper Indo, André Doungouma Focky, Mathieu Bisseni, mais aussi avec des plus jeunes (Christian Kolimbo, Kossi Dambita, Rameau Devaux Yaganda, Maurice Paté ; ces deux derniers étant aussi des anciens de Berberati), nous avons constitué une très belle équipe de basket et, participé au championnat scolaire à Bangui cette fois.

Le milieu scolaire étant le vivier naturel des équipes de la cité, beaucoup d’entre nous se retrouvaient dans la même équipe (Bisséni, Limbassa et moi dans Trésor) ou croisaient le fer toutes les fins de semaine en championnat de Bangui baptisé abusivement championnat national ; et ce, soit au foot soit au basket voire au hand avec les autres (Prosper Indo, Guy Darlan dans Harlem…)

J’ai retrouvé une autre famille avec Trésor d’abord et, l’équipe nationale ensuite où « Boston » nous a inculqué les valeurs de solidarité, de courage, de combattivité et de patriotisme.

Permettez-moi à cet instant d’avoir une pensée pour toutes les  sœurs et tous les frères de cette grande famille du basket qui, malheureusement ne sont plus de ce monde. Je veux en citer quelques uns mais cette intention est pour tous (Martin Ngoko, Georges Goudouwa, Gérard Kimoto, Mme Magbotiadé « maman Capi » Marie Aubert Kabero, Georges Igor Follot, Amine, Barnabé et André Sangha, Mme Mageot « maternelle », Felix Bénam Samba, Juluis D’Almeida, Fall Maguette, François Péhoua, Zanifei Touabona, Dominique Kokanda l’intendant du Hit Trésor, Patrice Dékénzandji, Gérard Grédagba…)

BeB 4) Comment avez-vous vécu votre premier appel en équipe nationale de basket-ball ? Vos impressions des premiers matchs à l’étranger ? L’ambiance des vestiaires, tant à Bangui qu’à l’étranger ?

SM 4) Je suis entré en sélection en 1966 et, cela a été une fierté pour moi et un grand honneur ; mais je dois ajouter que j’ai aussi ressenti en ce moment un sentiment de responsabilité. En équipe nationale, la responsabilité de chaque joueur et de l’équipe est plus grande qu’en club.

Dans votre club, vous devez jouer et, autant que faire se peut, gagner pour les dirigeants, pour les supporteurs, pour vous ; en équipe nationale, c’est le drapeau national que vous portez et si possible pour le hisser haut,  toujours plus haut. La nation toute entière est derrière vous. Vous devenez l’ambassadeur du pays ; d’où cette fierté légitime, surtout quand vous remportez une victoire ; mais c’est aussi et avant tout une lourde responsabilité.

L’un des premiers matchs international à l’étranger que j’ai livré se jouait à Kinshasa au Zaïre (actuelle RDC). Nous avions joué en plein air. J’étais   très concentré et remonté ; plutôt revanchard, car un peu plus tôt dans l’après-midi, l’équipe nationale du Zaïre  venait de nous infliger une défaite mémorable (5 – 0) au football…

Dans les années soixante, nous jouions sur des terrains en plein air. Nous n’avions pas de vestiaires et l’organisation, les consignes de jeu, les plans et stratégies nous étaient communiqués par le coach autour des bancs des joueurs. Les joueurs échangeaient et communiquaient entre eux dans le même contexte et le même environnement.

L’ambiance était décontractée, toujours dans la bonne humeur. Nous aimions nous taquiner. C’était toujours bon enfant comme l’on dit.

Par contre, pendant les matchs, nous étions appliqués, solidaires, combattifs et ce, quel que soit le lieu ; quel que soit l’adversaire.

BeB 5) Décrivez-nous le rapport entre les dirigeants et les joueurs sélectionnés ?

SM 5) À notre époque, les dirigeants pour la plupart étaient des bénévoles et les joueurs, des élèves et étudiants pour la majorité. L’argent ne comptait pas pour nous. Je me souviens qu’une fois, nous avons eu mille (1000) francs CFA (1,52 € ; 2 $) comme argent de poche lors d’un déplacement ; je crois, cela devait être un déplacement à Fort Lamy (N’Djamena) au Tchad…

Le rapport entre les dirigeants et les joueurs sélectionnés était  emprunt de respect mutuel. Nous étions studieux et essayions de comprendre et d’appliquer les consignes des entraîneurs pendant les séances d’entraînement et les matchs.

C’est ici le lieu de rendre un hommage de gratitude à tous les coaches qui ont guidé mes premiers déplacements/dribles/tirs et qui m’ont accompagnés tout au long de mon parcours sportif en me prodiguant d’utiles conseils. Grâce à eux, j’ai pu m’épanouir au basket, consolider l’esprit d’équipe indispensable pour une victoire ; mais aussi, et ce n’est pas la moindre des valeurs, « savoir perdre et reconnaître la qualité de l’adversaire » ; être fair- play !

Je pense d’abord à Claude Ligeon qui, sans être entraîneur professionnel nous a appris les fondamentaux du basket ; à Felix Samba Bénam qui a suivi nos premiers trois pas, nous a appris les premiers astuces, les premiers systèmes de jeu et encadré nos premiers matchs internationaux ; et enfin à tous les coaches étrangers qui nous ont donné les ficelles nécessaires pour « voler les ball » et nous perfectionner ; ici je citerai naturellement Jim McGregor, Christopher Appel, Crussing  trois entraîneurs et pédagogues américains ; Locci notre coach yougoslave et Charles Tassin français d’origine zaïroise comme dirait un autre compatriote à lui.

Certains, sinon tous, sont devenus des amis et jusqu’aujourd’hui, je continue d’échanger avec ceux qui sont encore de ce monde.

Comment pourrais-je ne pas associer à cet hommage les dirigeants de mes deux clubs ainsi que ceux de la fédération centrafricaine de basket, au premier rang desquels je nommerai François Alfred Wilfrid Péhoua « Boston », André Zanifei Touabona et Julius D’Almeida…

Disons qu’entre les dirigeants et les joueurs sélectionnés, chacun jouait sa partition afin que la somme des contributions individuelles nous conduise à la victoire. C’était le leitmotiv !

Les dirigeants mettaient l’accent sur le travail, la solidarité, le patriotisme, la défense de la Nation et les  sélectionnés prenaient conscience de leur devoir et mission d’ambassadeur du pays ; porteurs, le plus haut possible du flambeau  « Bleu-Blanc-Vert-Jaune ; barré de Rouge » comme je l’ai dit un peu plus tôt.

BeB 6) En égrenant vos souvenirs, faites nous revivre l’ambiance lors du rassemblement pour la préparation du 7ème championnat africain de basket-ball en 1974.

SM 6) Avant de vous parler du 7ème championnat africain, permettez-moi que je revienne dans mes souvenirs et, dans les meilleurs moments dans ma vie sportive, du moins pour ce qui concerne le basket.

Je vous ai déjà parlé de mon premier titre de champion national scolaire en cadet. Après, il y a eu beaucoup d’autres titres de champion  et de trophées remportés au niveau de mes deux clubs successifs  (Normal club à Berberati et Trésor Sporting Club à Bangui). Je vais cependant rappeler les souvenirs qui m’ont le plus marqués.

Il y a eu la médaille de bronze (3ème) pour notre première participation au 3ème Championnat d’Afrique de basket-ball. C’était en mars 1968 à Casablanca au Maroc. La moitié des joueurs de l’équipe nationale étaient des élèves et bon nombre étaient en classe de terminale (Guy Darlan ; Prosper Indo ; Jean Limbassa ; Jean Mailli et moi). Nous avions tous été admis au baccalauréat ; ceci dit en passant.

De nouveau, il a fallu que je quitte Bangui pour la France via le Maroc pour poursuivre mes études supérieures. En France, je me suis retrouvé à Perpignan, une ville moyenne du sud de la France.

Un jour, en faisant des courses, je suis tombé nez à nez avec Gilbert Bec ; rappelez-vous,  un de mes coéquipiers de Berberati.

Gilbert était en coopération en Centrafrique et exerçait comme Directeur Régional des Douanes à Berberati. Quand nous nous sommes rencontrés à Perpignan, Il travaillait comme  Responsable du Bureau des Douanes au Barcarès, un petit port de pêche à 20 kms de Perpignan.

Gilbert Bec, qui jouait toujours au basket en ce moment, m’a proposé de prendre une licence dans son club « Basket Olympique de Perpignan (BOP) » ; ce que j’ai fait sans hésitation.

Nous participions au championnat  de la division fédérale (ancêtre de la NIII). Pendant ma première saison au BOP, nous avons terminé 2ème derrière Orthez. C’est à ce moment que le Président d’Orthez d’alors, Pierre Seillant s’est rapproché de moi pour me dire :

… «  Sonny, nous montons en National II comme tu le sais, mais nous n’avons pas beaucoup d’argent pour recruter un américain. Ne connaîtrais-tu pas un africain qui voudrait venir jouer avec nous ? »

J’ai immédiatement pensé à mon ami Mathieu Bisséni qui était entre Bangui, Berberati et un patelin au Cameroun. Le club français d’Orthez est rentré en contact avec Mathieu et c’est ainsi qu’il s’est retrouvé à Orthez et a fait les beaux jours de l’équipe de Pau-Orthez et de l’équipe nationale française.

Mathieu est un autre phénomène du basket formé à Berberati. Il est l’un des rares joueurs de basket que je connaisse qui ait porté les maillots de trois (3) nations différentes (Centrafrique ; Cameroun et France). Il a gagné avec Pau-Orthez la coupe Koraz, la coupe européenne des clubs champions.

Jean Mailli s’est retrouvé aussi à Perpignan et m’a rejoins dans le « BOP »…

Un autre point marquant dans mes souvenirs est la 1ère victoire de Hit Trésor Sporting Club en Coupe des clubs champions au Caire en Egypte en 1973. Là aussi, nous avons fait preuve de courage et de détermination ; prêts à déplacer une montagne. Pendant cette compétition, ce qui m’avait le plus impressionné, c’est la bravoure  et le patriotisme des joueurs de Red Star Ndongo club et ceux de Trésor.

Je dois signaler que notre pays, la République centrafricaine, a présenté deux équipes championnes (Red Star détenteur du trophée, champion d’Afrique des clubs champions en 1971 à Bangui et Hit Trésor Sporting Club, champion national sortant) à la phase finale de cette compétition. C’était une situation inédite et elle montrait à quel point notre pays dominait cette discipline au niveau continental. Je n’ai pas souvenir qu’un autre pays du continent ait réalisé une telle prouesse. Peut être l’Angola ?…

Revenons à notre compétition. Au cours du match Trésor / Zamalek, l’équipe championne d’Egypte, une bagarre s’est déclenchée et l’on a vu, spontanément et instantanément les joueurs de Red Star qui étaient dans les tribunes, descendre sur l’aire de jeu et à côté de ceux de Trésor afin de faire face aux joueurs, spectateurs et autres agents de défense et de sécurité égyptiens ?

Nous (Red Star et Trésor) ne mesurions pas le danger devant lequel nous nous trouvions. Seul comptait en ce moment le drapeau centrafricain, qu’ensemble, nous devons défendre. Bel exemple de solidarité, d’unité et de bravoure !

Après la réserve technique portée par Trésor (Charles Tassin s’en était occupé), le match fut rejoué à huis clos et Trésor l’emporta. Nous avons ainsi gagné la coupe d’Afrique des clubs champions. Ainsi Red star nous a passé le relais de belle manière, proprement et dignement.

Le retour à Bangui a été somptueux. Tout le Gouvernement de la République était à l’aéroport Bangui M’Poko pour accueillir les anciens et nouveaux champions d’Afrique des clubs champions. La coupe dans une voiture décapotable et les joueurs dans un bus, nous avons fait le tour de Bangui depuis l’aéroport, en passant par différents arrondissements et quartiers de Bangui

(Miskine, km5, Fatima, Pétévo, Lakouanga, le centre ville).

Tout ce parcours s’est déroulé sous les applaudissements des populations de Bangui amassées aux abords des rues et avenues et accompagnés par les jeunes qui voulaient à tout prix toucher et les champions et la coupe. La destination finale de ce long parcours était le Safari Hôtel (aujourd’hui Oubangui hôtel) où une réception égayée par deux orchestres a été organisée en notre honneur.

Avant d’arriver au 7ème championnat, j’ai participé, au 4ème championnat à Dakar au Sénégal en 1972. J’étais capitaine de l’équipe nationale et nous avons malheureusement terminé à la plus mauvaise place avec la médaille en bois (4ème place).

Entre temps, je dois signaler que j’étais parti de Perpignan pour Montpellier où j’ai passé ma licence et ma maîtrise en Electronique, Electrotechnique et Automatisme (E.E.A.) à l’Université des Sciences et Techniques du Languedoc Roussillon en 1972. A Montpellier, je n’ai joué au basket que dans l’équipe de la faculté des Sciences et je n’ai donc participé qu’au championnat universitaire. Par contre, pendant mon séjour montpelliérain, j’ai signé une licence de foot à Lunel, une petite ville à une trentaine de kms de Montpellier.

L’année suivante, j’ai de nouveau immigré à Toulouse où, sur concours, je suis rentré à l’Ecole Nationale de l’Aviation Civile (ENAC) pour la formation d’Ingénieur de l’Aviation Civile (IAC). Entre les études et le sport, je m’organisais tant bien que mal. Je dirai plutôt bien que mal.

Je puis dire aujourd’hui que le sport m’a stimulé pour mes études et, les études m’ont conforté dans la pratique du sport ; à tel point que je n’ai jamais arrêté le sport sous le prétexte qu’il fallait étudier. Disons que je n’ai pas eu à faire ce choix et du reste, la question ne s’est jamais posée ni à moi ni à mes parents. J’ai mené les deux en parallèle au bonheur de tous et, à mon entière satisfaction.

Parlons maintenant de la préparation du 7ème championnat d’Afrique qui s’est déroulé dans notre pays. S’agissant de la préparation, il y a eu plusieurs regroupements au cours desquels les « présélectionnés » peaufinaient les systèmes de jeu, consolidaient les automatismes et parachevaient la cohésion de l’équipe. Je n’ai participé qu’au dernier regroupement compte tenu de ma situation d’immigré et de mon statut d’étudiant en France.

L’un des points  forts de notre sélection à cette époque était que la grande majorité de l’équipe était sur place à Bangui et participait au même championnat. Les regroupements, les matchs de présélection étaient relativement faciles à organiser. Je pense que nous n’étions qu’au plus deux, venant de l’étranger pour compléter le nombre des présélectionnés, afin d’achever notre préparation.

Pour le dernier regroupement, nous étions à l’internat au petit séminaire de St. Paul à Bangui. Il y avait un réel engouement pour le basket dans la population, non seulement dans celle de Bangui, mais aussi dans celles de nos villes et villages des provinces. Les compatriotes des provinces demandaient constamment, pendant les émissions radiodiffusées, le niveau et la forme de l’équipe et des joueurs pendant la préparation.

Les entraînements et les matchs de présélection étaient suivis par des centaines de spectateurs. Nous étions au petit soin et plusieurs mamans, notamment Maman N’gounio, nous faisaient parvenir régulièrement des repas à l’internat.

A l’approche de la compétition, la pression montait et chaque compatriote se démenait pour apporter son soutien aux fauves. Tout le peuple centrafricain était uni et soudé comme un seul homme derrière son équipe. Les encouragements venaient de tous les coins de la RCA et chaque centrafricain n’avait qu’un seul rêve : celui « d’épouser la belle dame, la belle  Yassitoungou » pour la présenter et l’exposer au Palais de la Renaissance.

Cette symbiose entre les populations, les dirigeants et les présélectionnés aurait pu se disloquer lorsqu’arrive l’heure du choix définitif de la liste des douze ou quinze (12/15) joueurs qui devront porter l’espoir de tout un pays. C’est à ce moment que les dirigeants doivent user de la pédagogie, de la délicatesse, du savoir-faire, du respect pour choisir non seulement les quinze meilleurs qui devront être complémentaires, être pendant la compétition les plus aptes à mouiller le maillot pour défendre le pays ; mais aussi pour annoncer à ceux qui ne seront pas retenus le verdict.

Je dois avouer que cela s’est bien passé et nos camarades non retenus sont devenus et restés nos plus grands supporteurs et conseillers. En fait, en quittant l’internat, ils sont restés dans  l’équipe, dans la famille si je puis m’exprimer ainsi.

Quand tu as vécu une telle ambiance, quand tu as senti un tel élan d’unité, ta force et ta détermination à gagner sont stimulées et sont confortées.

Cette unité que j’avais ressentie à cette époque était-elle réelle ? Je le crois intimement. C’est pourquoi, je m’interroge constamment sur ce qui nous arrive aujourd’hui ; sur ce qui arrive aujourd’hui à notre pays, le risque potentiel et permanent d’une partition!

BeB 7) A Bamara ebook.com, le tournant décisif qui a fait basculer l’issue du match de la finale, reste la parenthèse anecdotique de votre intervention en défense, pour enrayer la contre-attaque l’une après l’autre des joueurs sénégalais en seconde partie. Gardez-vous toujours en mémoire cette phase de jeu ?

SM 7) Comme vous le dites, c’est vraiment une parenthèse anecdotique et surtout ce n’est pas important. L’essentiel est que nous ayons gagné Yassitoungou.

Je garde de cette finale d’abord le nombre impressionnant des spectateurs. Le centre national de basket devenu depuis centre national de basket Martin N’goko, ce dont je m’en réjouis, était complet et des centaines de spectateurs étaient restés dehors. Il y avait tellement de monde dans ce hangar d’avions qu’il a plu uniquement sur le centre…

La pression était si forte et la responsabilité importante, que nous étions crispés au début du match. Certains d’entre nous avaient perdu leur sérénité. Il faut dire que parfois, certains supporteurs et fanatiques changent vite de comportement et s’en prennent quelquefois aux joueurs, voire au coach. C’est à ce moment qu’il faut se calmer, encourager les plus jeunes et les émotionnels. C’était la lourde mission que je devais assumer et j’avais fait de mon mieux pour l’assurer.

Je garde aussi en mémoire la grosse bêtise de Gambor « James ». Elle était d’autant plus grosse que la faute commise était préméditée. Elle a été le plus logiquement sanctionnée à juste titre comme faute intentionnelle et disqualifiante. Pourtant, je l’avais supplié de ne pas la commettre…

Le pauvre, il a pleuré tout le restant du match… Le Général a abandonné ses troupes sur le champ de bataille et comme je l’avais pensé, il pouvait être considéré comme responsable d’une éventuelle défaite. Cela n’a pas été le cas !

BeB 8) Dites-nous, où est-ce que le reste de l’équipe a puisé les ressources nécessaires, le mental de conquérant, la confiance, après l’expulsion de James Gambor des suites d’une faute intentionnelle sur Sérigne Ndêr en deuxième mi-temps, et arraché la victoire ?

SM 8) James Gambor était parmi les 5 majeurs de l’équipe et sa sortie pour faute intentionnelle allait fortement nous handicaper. A partir de cet instant, l’entraîneur nous a parlé, a réorganisé un peu notre façon de jouer ; mais le plus important était la complicité entre nous. Nous nous faisions confiance et « papa Kimba » nous a parlé en disant ceci : « Donnez les balles à M’Pokson et lui montera pour les distribuer… »

Je suis en général d’un tempérament calme et pas expressif. A ce moment, j’ai fais le vide dans ma tête et me suis concentré au maximum, encourageant et donnant confiance à mes coéquipiers. J’étais le « Général » dans Trésor et dans l’équipe nationale, même si j’ai horreur des métiers avec des uniformes. J’ai joué le « maître d’orchestre » …

Nous avons cru, nous avons été plus solidaires, nous parlant les uns aux autres et nous avons tenus malgré la disqualification de James.

La deuxième force de l’équipe championne de 1974 est qu’elle ne baissait jamais les bras et elle devenait plus forte lorsqu’elle était dos au mur. Le match était tendu, le score serré et l’enjeu important. Dans ces moments et dans ce contexte, on pense au discours de « Boston » … « Les enfants, vous pouvez » ! …et la machine a repris de plus belle pour nous amener jusqu’à la victoire.

Après les larmes de remords et de tristesse de Gambor pour nous avoir abandonnés sur le champ de bataille ;

Après celles de Barnabé Sangha « papa kimba » au coup de sifflet final, qui exprimaient l’allégresse de tout le public banguisois ;

Enfin, après la perte de connaissance de Joseph Marcel Bimalé « Binet » à la fin du match, et lorsque la fanfare a entonné la « Renaissance » l’hymne national, qui explosait l’émotion d’une grande partie du public …

Tout le peuple était soulagé. Nous étions, avec eux, passés par tous les états. Et maintenant, il faut donner libre court à la joie, aux félicitations et… aux débordements.

Alors que le match était terminé, la population de Bangui a envahi les rues et avenues de la capitale pour chanter, exprimer sa fierté et sa gratitude à ses champions. Les gens de tous les quartiers de Bangui se dirigeaient vers le centre national de basket-ball pour tenter de voir, de congratuler, d’embrasser les héros ou simplement pour faire la fête avec les autres dans la communion.

Mon frère Théophile Sonny Cole a failli être étouffé par la masse des gens qui remontaient, ai-je dit vers le centre national de basket. Au rond point, croissement de l’avenue de France et de l’avenue Bokassa, quelqu’un l’ayant reconnu l’a interpellé. Dès que la foule a entendu Sonny, elle a pensé que c’était moi et les gens se sont précipités pour « me » féliciter… et la foule l’a mis à terre dans la précipitation. En ce temps, les centrafricains n’avaient d’yeux que pour les champions, pour leurs champions…

Au centre national de basket, nous avions mis près de deux (2) heures pour sortir et pour regagner notre bus. La fête a commencé et a duré jusqu’au petit matin avec une soirée au cinéma  le REX…

Je suis reparti ensuite à Toulouse où je devais gagner mon second match, à savoir l’obtention de mon diplôme d’Ingénieur de l’Aviation Civile. Il fallait ensuite penser à la coupe du monde de basket, non c’était encore le championnat du monde FIBA 1974 organisé à Porto Rico. Je m’y suis préparé tout seul à l’ENAC par un programme que je me suis assigné.

De retour de Bangui, riche de ma médaille d’or, je me suis replongé dans mes livres. Un samedi soir, dans la résidence « Blériot », ma résidence à l’ENAC, j’écoutais la radio sur un appareil récepteur de marque GRUDING « Satellite 3400 » que je garde et écoute aujourd’hui encore.

En cherchant les stations et par un pur hasard j’ai capté « Radio Centrafrique » ! La station nationale transmettait en direct une soirée organisée au Safari hôtel en l’honneur des nouveaux champions d’Afrique des Nations de basket et en présence du Président à vie Jean Bedel Bokassa.

Jérôme Ndounia Doté, commentant cette soirée, disait notamment que les basketteurs étaient gâtés par le Président à vie. Il a offert à chacun des nouveaux champions la somme de 300.000 FCFA (6000 FF/457,35 €/600 $) et la Première Dame, Catherine Bokassa nous offrait une voiture Renault 4.

J’avais effectivement reçu de la Présidence de la République un mandat de 6000 FF. Par contre, j’attends toujours, et tous les autres champions 1974, la voiture qui a dû être vendue aux enchères par l’Administration portuaire camerounaise pour non paiement des droits  de magasinage et de gardiennage. (Rires)

Parlons maintenant de notre participation au championnat du Monde de basket à Porto Rico. Quatorze (14) équipes et pays étaient qualifiés et notre pays était le seul Représentant de tout le continent. Nous étions dans le groupe A avec le Brésil, le Mexique et l’URSS. Nous avons pris la raclée contre l’URSS au premier match pour notre baptême et perdu contre les deux (2) autres équipes. L’écart de niveau entre nous et les autres pays était conséquent.

Nous aurions pu battre pourtant les Philippines en match de classement. A trente (30) secondes de la fin du match, nous menions d’un point et nous avions la balle. Nous étions en bonne position et en supériorité numérique (3 contre 1) lorsque j’ai fais la passe à Jacques Séréfio « Africa ». Trois possibilités se présentaient à lui.

Premièrement faire la passe à « Papa kimba » ou à « James » ; les deux étant aux deux ailes et pouvaient aller au panier en double pas ;

Deuxième possibilité, tenter un tir de la tête de la raquette, en espérant que les deux ailiers suivent le tir pour un éventuel rebond ;

Il a choisi la troisième et mauvaise démarche. Il est allé tout seul au panier. Malheureusement pour nous, il a fait une faute offensive et a manqué le panier.

Les Philippines ont donc bénéficié de deux (2) lancer-francs qu’ils ont marqué et nous avons perdu le match d’un point. Aujourd’hui, le règlement semble dire qu’ayant la possession de la balle, la faute d’ « Africa » ne devrait pas être sanctionnée par des lancer-francs…

Au lieu d’être courageux et d’accepter notre défaite, certains membres de notre délégation s’en sont pris à l’arbitre en le traitant de « raciste »…

Notre participation au Mondial de Porto Rico était là aussi  une fierté pour moi et pour le pays. Avoir le privilège de représenter son pays dans une compétition mondiale où se retrouvait la crème du basket mondial n’était pas donné à tout le monde. De surcroît, représenter tout un continent n’est pas ordinaire ni anodin même si notre prestation n’a pas été à la hauteur de la responsabilité et de la représentativité.

Ensuite cette occasion m’a fait prendre conscience que nous sommes en retard dans l’apprentissage, dans la pratique du basket. Nous devons nous équiper, nous former et former des dirigeants aussi bien techniques que dans la gestion du basket et enfin travailler sans cesse pour progresser afin de réduire l’écart entre notre pays et les autres.

En conclusion, nous n’avons pas malheureusement consolidé notre participation au Mondial de basket-ball de Porto Rico. Aujourd’hui, malheureusement nous ne sommes pas dans la bonne direction pour progresser…

J’en garde cependant un très bon souvenir notamment une organisation de haute stature.

BeB 10) Vous êtes issu d’une fratrie de sportifs, à savoir votre aîné Sonny Cole, qui a joué au poste de défenseur central du club de football Olympique Réal de Bangui.  Pourquoi avez-vous plutôt choisi le club FU MOURA, que de vous engager aux côtés de votre frère au Réal de Bangui ?

SM 10) Deux de mes frères ont joué au foot dans Olympique Réal de Bangui. Il s’agit de Théophile Sonny Cole et de Léonard Sonny. C’est leur choix et cela n’a jamais été discuté en famille. Pour nous, le sport est un jeu et nous l’avons pratiqué en nous amusant. Généralement, on s’amuse plus et mieux avec les amis, les copains qu’avec les frères.

Je vous ai expliqué comment je me suis retrouvé dans Fu Manchu au foot, dans Normal club à Berberati et dans Trésor à Bangui au basket. Tout cela n’a rien à voir avec la famille.

J’ai cependant joué au handball dans la même équipe que Théophile qui était un très bon gardien dans cette discipline. Il a même été dans la sélection nationale. Cela n’avait rien à voir encore une fois avec la famille.

BeB 11) L’observation de votre séjour à Dakar au siège de l’Asecna révèle, que vous aviez encadré techniquement l’équipe de football des étudiants centrafricains des années 80, composés de médecins spécialistes, des vétérinaires, pharmaciens, juristes… que gardez-vous de cette expérience ?

SM 11) Vous me donnez l’opportunité de vous ouvrir un autre pan de ma vie. Dans cette vie sportive, j’ai eu beaucoup de plaisir et de joie. Le sport m’a aussi donné beaucoup de plaisir et de satisfaction. Il y a eu, et c’est normal quelques ratées et des méchancetés.

Parmi ces agressivités, il y a eu ma condamnation par un « Tribunal Militaire » et mon embastillement à la prison de Ngaragba. J’ai été condamné à sept (7) ans de prison ferme et neuf cent mille  (900.000) francs CFA d’amende, à payer au Président à vie Bokassa. De quoi s’agissait-il ?

Après mes études d’ingénieur, après avoir remporté à deux reprises la coupe d’Afrique des clubs champions avec Hit Trésor Sporting Club, après notre triomphe au 7ème Championnat d’Afrique où nous avons été couronné champion d’Afrique des Nations, après notre participation au Mondial 1974 représentant le continent africain, je suis rentré au pays pour continuer  de servir le Centrafrique et son peuple.

Je travaillais à l’Agence Centrafricaine pour la Sécurité et la Navigation Aérienne (ACESNA) qui était l’Agence pour la Sécurité et la Navigation Aérienne en Afrique et Madagascar (ASECNA) dans le désordre, comme dirait un de mes illustres aînés. Bokassa avait pris la décision politique de retirer la RCA de l’Agence africaine pour créer une agence nationale. C’était en 1975.

Responsable technique à l’aéroport Bangui M’Poko, j’ai vécu en direct le coup d’Etat minable des frères Obrou. Après ce coup manqué, j’avais écrit une lettre banale à un ami et compatriote Joseph Ndoro qui est à Toulouse. Je disais notamment dans cette correspondance, … «  Qu’il n’y avait pas de nouvelles intéressantes exception faite du « fameux » coup d’Etat à l’issue duquel beaucoup des compatriotes étaient arrêtés ; certains étaient transférés dans leurs villages et le commun des mortels parlait d’ « exil ; … mon travail était gratifiant puisque j’ai le contact permanent avec les travailleurs… »

Cette correspondance a été interceptée par le service de « censure » et considérée comme attentatoire au chef de l’Etat. Je fus considéré comme complice des auteurs du coup d’Etat. Le pas était vite sauté puisqu’avec mon prénom M’Pokomandji, je ne pouvais qu’être de l’ethnie Banda et donc partie prenante au coup d’Etat ; les frères Obrou étaient Banda. Et alors ?

Présenté devant Bokassa, ce dernier a vociféré et ordonné que l’on m’emmène. Où ? Je n’en savais rien !

Après m’avoir mis les chaînes aux pieds et aux poignées, les sbires de Bokassa m’ont jeté dans une fourgonnette ; direction mon domicile de fonction en face du Lycée Marie Jeanne.Caron.

Une fois passé au peigne fin mon domicile et ce, devant mes jeunes frères qui habitaient chez moi  et qui préparaient leur baccalauréat, la fourgonnette, moi à l’intérieur, a pris la direction de la fameuse prison Ngaragba où j’ai été jeté sans ménagement à la « Porte Rouge » un  des quartiers de la prison, toujours menotté…

Mon plus grand regret en ce moment n’était pas mon sort personnel, car militant et engagé, je savais que pour un oui ou pour un non, je pouvais me retrouver dans cette situation. J’étais contrarié  par l’immense préjudice que cette situation portait à ma famille, particulièrement à mes jeunes frères. Je revenais entre autres pour les soulager et voilà que je suis devenu une charge pour eux.

Je vous raconte ce passage douloureux parce que non seulement j’étais innocent et une lettre banale comme je le dis ne peut être un prétexte pour violenter un individu quel qu’il soit. Il s’agissait en outre de quelqu’un pour qui le peuple centrafricain a dépensé énormément pour sa formation ; une formation dans un secteur hautement technique et technologique ; un secteur dans lequel nous n’avions pas beaucoup de cadres qualifiés. Il s’agissait aussi de quelqu’un qui aime foncièrement son pays et qui n’a pas hésité un seul instant pour se mettre avec fierté et abnégation au service de son pays et du peuple centrafricain. Pourquoi faire subir toute cette atrocité sans raison plausible à un compatriote ou simplement à une personne lambda ; si non que de la supputation, de l’imagination, de la violence insensée, de la méchanceté.

«  ZO KWE ZO » !  Est-ce un simple slogan ?

Je ne suis pas à plaindre car il y avait, il y a plus malheureux. Beaucoup de compatriotes sont victimes d’injustice et d’ingratitude. Aujourd’hui, quand je vois des « anciennes gloires » comme on aime les appeler, alors qu’ils ne sont que gloires quand les projecteurs les mettent au devant dans les arènes et qui disparaissent aussitôt dans la mémoire collective ou dans les méandres de la misère lorsqu’ils rangent leurs baskets, leurs crampons et leurs maillots. Il est véritablement triste de voir certains d’entre nous survivre aujourd’hui. Où est donc cette solidarité qui devrait nous (membres d’une même communauté qui est la RCA) animer tous.

Je suis en fait resté neuf mois à Ngaragba. Mes parents et surtout mes frères qui, au lieu de préparer leurs examens, passaient beaucoup de temps à m’amener notamment à manger à la prison. Nous n’avions pas de rations et les prisonniers qui n’avaient pas de parents à Bangui, mangeaient ce qu’il pouvait y trouver. J’ai vu des prisonniers manger des épluchures de banane…

Après neuf (9) mois en prison, où je m’occupais à donner quelques cours de maths et de physique à des jeunes prisonniers (il y avait dans cette prison des mineurs, des femmes, des délinquants…), j’ai bénéficié de l’amnistie générale lorsque Bokassa s’était autoproclamé empereur. Ma libération comme celle des fonctionnaires était assortie d’une clause spéciale. Celle de ne plus travailler dans la fonction publique. Je n’étais pas fonctionnaire lorsque j’avais été arrêté. Alors que j’attendais mon intégration (je ne travaillais que depuis trois mois quand ce cynisme s’est introduit dans ma vie !) ; les initiateurs du projet de l’Ordonnance relative à l’amnistie générale pensaient faire plaisir au futur empereur sans imaginer un seul instant que ce pays manquait, aujourd’hui encore, cruellement de compétences.

Une fois sorti de prison, je n’ai pas chômé un seul instant. Il y a tellement de choses à faire dans notre pays. Pour quelqu’un qui veut travailler, il y aura toujours une activité. C’est ainsi que j’ai commencé par gérer une buvette au Carrefour Bar au croisement Avenue de France/Ben-Zvi. Après un tour éclair à la société CIOT qui était dans la confection, j’ai travaillé comme Chef magasinier à Oubangui Auto où je vendais des pièces de rechange de véhicule de marque Mercédès, Nisan & Mitsubishi, Fiat avant de rejoindre le système des Nations Unies en intégrant la Commission des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) à Addis Abeba comme Expert en Transport Aérien. J’y ai travaillé deux ans et malheureusement je n’ai pu faire ni basket ni football ; mon travail nécessitait beaucoup de déplacements. L’association des anciens élèves de l’ENAC, les camarades de l’Union Nationale des Etudiants Centrafricains (UNECA)/section de la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (FEANF), le Député/Maire socialiste de Montpellier, le Professeur en droit constitutionnel Georges FRESCH…ont écrit au Président Bokassa pour déplorer une injustice, exiger ma libération et s’indigner d’une décision absurde en l’occurrence celle de se passer des services d’un cadre qualifié.

Après cette mésaventure, j’avais pris la décision de ne pas jouer dans la belle salle de l’omnisport que les yougoslaves avaient construit, parce que Bokassa y avait organisé une partie de son sacre. Ce qui explique, que malgré l’insistance de « Boston », je n’ai pas participé à la deuxième consécration du Hit Trésor Sporting Club comme champion d’Afrique des clubs champions à Bangui en 1978.

Lorsque en 1980 avec l’opération « Barracuda », un an auparavant, le Gouvernement a décidé de réintégrer l’ASECNA, il cherchait alors un centrafricain pour diriger la Représentation de l’Institution aéronautique en Centrafrique. C’est ainsi que le Directeur Général de l’ASECNA, M. Paul Malekou lui suggéra de me solliciter. Comme je l’ai dit plus haut, j’exerçais à la CEA comme Expert en Transport Aérien à Addis Abeba en Ethiopie.

Je n’ai pas hésité une seconde et je suis revenu de nouveau à Bangui pour me mettre au service du peuple et du pays. J’étais donc nommé Représentant de l’ASECNA auprès du Centrafrique. Ce retour au pays a été malheureusement de courte durée. En effet, après une grève organisée et menée par l’Union Syndicale des Travailleurs de Centrafrique (USTC) dont le Secrétaire Général était Théophile Sonny Cole, le Gouvernement du Premier Ministre Christian Bernard Ayandho et du Président David Dacko a pris deux décrets. Le premier dissolvait l’USTC et le second me relevait de mes fonctions de Représentant de l’ASECNA. Quel était le rapport entre les deux situations et cette décision stupide ? Aucun, si non qu’ils concernaient deux frères dont l’un était SG du syndicat et l’autre patron d’une multinationale qui devrait aussi gérer d’éventuelles grèves du syndicat de la branche aviation civile…Une autre aberration pour ne pas dire grossièreté…

Le Directeur Général de l’ASECNA était horrifié par la décision du Gouvernement pour ce qui me concernait. Il a donc décidé de m’affecter à la Direction Générale, au siège de l’ASECNA à Dakar au Sénégal.

Voilà comment je me suis retrouvé au pays de la « Teranga ».  Comme à Montpellier, comme à Toulouse, à chaque fois que j’atterris quelque part mon premier reflexe est de toucher des compatriotes sinon des gens qui parlent sangho, notre langue nationale. Je n’ai pas dérogé à cette règle et lorsque nous nous retrouvions, le premier réflexe est de former soit une équipe de football soit une équipe de basketball ou les deux.

Ainsi avec Indo, Bengoubou et les autres, nous avons formé une équipe de basket à Montpellier ; Julien Ayandho, Benoît Mosselegoa, les autres et moi avons constitué notre équipe de Toulouse. A Dakar au Sénégal, nous étions nombreux. La communauté centrafricaine du Sénégal comptait des stewards d’Air Afrique, des stagiaires notamment en télécommunication de l’école de Rufisque, des fonctionnaires internationaux et surtout des étudiants.

Nous avons pu former une équipe de basketball et une équipe de football. Ce qui nous a permis de mieux nous connaître, de partager et de nous soutenir. Ma maison était l’auberge « centrafricaine » ; la porte était constamment ouverte aux étudiants et ils pouvaient y passer quand ils voulaient.

Je me souviens combien nous étions nombreux à la maison pour suivre les matchs de la coupe du monde de football de 1982. Maman était avec moi à Dakar. Elle était étonnée de nous voir si nombreux devant la télé en train de voir des bonhommes courir derrière un ballon, disait-elle.

Il est donc exagéré de dire que j’encadrais techniquement ces équipes. Je n’avais ni qualité ni compétence.

Nous formions une partie du pays et refaisions  les matchs et le  monde jusqu’à des heures tardives de la nuit. Beaucoup de ces étudiants sont effectivement devenus des cadres supérieurs et comme vous le dites dans différents secteurs. Ce qui est une bonne chose pour notre pays. J’ai gardé des contacts avec certains qui sont au pays (Prospère Ndouba, Simplice Boby, le pharmacien Moïse Dékoyo, le regretté) Dr. Koumanda, …   ou avec d’autres qui sont encore à  l’étranger (Lavou à Perpignan ; Ernest Lakouetené à Libreville…).

De cette période, aussi bien en France qu’au Sénégal, je garde de très bons souvenirs et des amitiés. Nous étions vraiment solidaires et fiers d’être centrafricains !

BeB ) Au final, nous savons que vous managez patiemment, dans le respect des souvenirs, l’association des anciens fauves de Bas-Oubangui de basket-ball, pour réactiver l’esprit de camaraderie, mais surtout celui d’éviter, que le flambeau de la victoire ne s’éteigne avant son passage à la future génération.

Certes, une construction humaine sur fonds de fragilités.

Cela suppose beaucoup d’investissement, pour avancer un pion après l’autre et, bâtir une structure de stabilité dans un environnement en pleine turbulence de notre « Maison basketball ».

Pour notre part à Editorial Bamara ebook.com, nous saluons votre dévouement, soutenons ce pari gagnant de redorer le blason terni de notre sport roi.

C’est pourquoi, nous voudrions ici, humblement partager avec tous nos lecteurs cette pensée :

 « Il ne faut pas croire, quand on est malade, que c’est aux autres de se soigner »

SM ) Aujourd’hui et depuis 2014, à l’initiative de « John » Jean Bengué, nous avons mis en place une association dénommée Association des Anciens Internationaux de Basket-Ball de Centrafrique (AIBCA). Nous nous sommes organisés sous forme d’une fédération avec la section d’Europe, celle des Amériques (USA/Canada) et la section de Centrafrique.

Comme toute association, l’adhésion est volontaire. Beaucoup des nôtres y sont membres en France, en Amérique et au pays. Naturellement, nous souhaitons que le maximum d’entre nous nous rejoigne pour que, comme hier, nous rallumions cette flamme de solidarité et d’unité qui nous avait caractérisée.

Nous avons comme objectifs entre autre la consolidation de la solidarité, le renforcement de l’esprit de camaraderie et des relations inter générations… In fine, nous faisons un plaidoyer pour la relance de notre basket en mettant l’accent sur la formation des jeunes, des cadres aussi bien techniques que dans la gestion du basketball afin  de reconquérir notre place dans le gotha du basket africain et mondial.

Nous avons initié quelques activités. Pour participer à l’œuvre de la cohésion nationale ébranlée ces dernières années, nous projetons d’organiser Basket de Rue à Bangui « BrB ». « BrB » est un tournoi entre les jeunes non licenciés des huit (8) arrondissements de Bangui et des deux (2) communes voisines : celle de Bimbo et de Bégoua. « BrB » se jouera dans les rues ou avenues de Bangui délimités par des bandes adhésifs et avec des panneaux mobiles. Les matchs se dérouleront les week-ends pour gêner le moins possible les usagers de la route…

Nous voudrions aussi écrire l’histoire du basket centrafricain. A ce sujet, tous ceux (acteurs et amoureux du basket…) qui ont de souvenirs en images ou textes, qu’ils n’hésitent pas d’y contribuer en nous contactant.

Nous pensons aussi, pour rendre hommage à tous ceux qui ont contribué à l’éclosion, au développement et à l’épanouissement du basket (joueurs, dirigeants, journalistes sportifs…), ériger un monument où il sera inscrit leurs noms.

Nous nous mettons à la disposition des Institutions (Fédération, Ligues et clubs) si elles nous sollicitent. C’est ainsi qu’à sa demande, nous avons préparé les termes de référence des Etats Généraux de basketball que la Fédération projette d’organiser.

Compte tenu de l’ambiance délétère qui prévaut actuellement et comme vous dites à juste titre, du contexte fragile du pays, tout ceci n’est point facile.

Le basket n’est pas un électron libre. C’est un élément de notre société. Tout travail de construction ou de reconstruction devra être pensé de manière globale et ne négliger aucune donnée. Il doit faire appel à toutes les expertises et expériences si possible. Aussi voudrions-nous saluer la contribution non négligeable de Bamara ebook.com ainsi que l’apport d’autres compatriotes comme Urbain Mamadou Débat.

L’œuvre que nous avons entamé est effectivement un exercice d’endurance, de longue haleine qui nécessite un esprit d’équipe et de la bonne volonté! Ayant été adepte de ce sport d’équipe, je pense que nous avons des prédispositions à mener à terme cette œuvre pourvu que nous ayons cette bonne volonté.

Vous faites une analyse correcte de la relance de notre sport favori. Il faut effectivement beaucoup d’investissement et en premier lieu des ressources humaines…

Tout en partageant la pensée que vous citez :

« Il ne faut pas croire, quand on est malade, que c’est aux autres de se (et de vous) soigner » ;

il est nécessaire que tous, nous la méditions. Aussi voudrais-je terminer cette causerie en disant :

« Que celui qui veut aller vite, va seul ; celui qui veut aller loin, fait bande avec les autres »

Je vous remercie de m’avoir donné cette opportunité.

Merci champion ! Singuila mingui Yaya ti a Bamara !

 

 

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