YASSI - TOUNGOU 1974
"Quelque fois, le souvenir d'un bonheur passé équivaut à un bien présent; on renait en esprit, à ces heures délicieuses d'amour ou de succès, où l'on savourait la vie dans sa plénitude".
-Louis-Auguste Martin
CENTRAFRIQUE VS SENEGAL
(Finale du 7ème Championnat Africain de Basket-ball –avril 1974-)
Dimanche 14 Avril 1974 (fête de Pâques), la République Centrafricaine a remporté pour la première fois de son histoire, la coupe d'Afrique des Nations de Basketball.
L'ambiance était folle, la rencontre se jouait à guichet fermé au Centre National de Basketball, et était retransmise en direct à la radio par le regretté reporter sportif Jean Malé; reportage suivit par plusieurs centaines de milliers de supporters, certains regroupés devant le Centre National de Basket avec des couvercles de casseroles, de tam-tam, roulements de tambours, des instruments à percussion, afin de faire plus d’animation possible et démontrer leur joie, soutien patriotique par des chansons populaires d’encouragement à l'équipe nationale, tandis que d’autres accrochés à leur poste transistor collé à l’oreille suivaient la retransmission, comme de nombreuses familles restées à leur domicile, regroupées autour d’un poste récepteur, soit à l’intérieur des maisons ou dans l’arrière-cour en plein air, les plus âgés avec des bouteilles de bière MOCAF ou HEINEKEN en main devisaient sur leurs joueurs préférés.
C'était le match tant attendu, sommité de la balle au panier, Centrafrique face au Sénégal champion en titre. Le Sénégal venait remettre son titre en jeu, remporté à la dernière édition de la coupe d’Afrique des Nations en battant l’Egypte, et avait une très bonne équipe avec de très bons joueurs de talent tels, Sérigne Der (alias Adidas) intrépide meneur et capitaine, et le pivot surnommé « Ngbo » par Jean Malé à cause de sa grande taille. Les sénégalais étaient habillés en maillot et short couleur verte, tandis que les fauves du « Bas Oubangui » en maillot jaune avec l’inscription CAR (RCA en anglais) et short de même couleur, car ces équipements furent achetés aux Etats-Unis d’Amérique.
Cette confrontation au sommet était officiée par les arbitres Baba Tolla du Nigéria et Elonga du ZaÏre (aujourd’hui Rép. Démocratique du Congo). La rencontre fût âprement disputée, avec un engagement physique intense qui a conduit à la malencontreuse poussée d’épaule de James Gambor sur ‘’Adidas’’ dans la raquette, jugée intentionnelle par l’arbitre Baba Tolla et, sanctionnée par une faute technique disqualifiant. Le puissant ailier fort, James Gambor, devrait alors se résoudre à abandonner tout malheureux en milieu de 2ème mi-temps, ses coéquipiers acculés par les sénégalais. Le salut ne viendra que de Sonny Pokomandji qui coup sur coup allait enrayer deux passes décisives en défense, face aux attaquants sénégalais ‘’à 2 contre un’’, et faire marquer en contre-attaque ses camarades.
Dans les dernières secondes, Séréfio qui partait en double pas, fût bousculé dans son élan par le joueur sénégalais ‘’Ngbo’’, mais parvint à assurer le panier avec faute. Il eût droit à un lancer franc qu’il réussit et porta le score à 72 contre 69. Ces derniers points donneront la victoire à la République Centrafricaine qui remporta alors, pour la première fois la Coupe d’Afrique des Nations en battant le Sénégal. Cette coupe fût baptisée par le reporter sportif Jean Malé « Yassi- Toungou ». La RCA accomplit l’exploit de régner sur le 7eme championnat d’Afrique des Nations de Basketball en remportant le trophée sans concédée de défaites en match de poule. Au coup de sifflet final, une indescriptible explosion de joie se manifesta dans tous les arrondissements, quartiers de la capitale Bangui, une ferveur qui gagna le pays profond, manifestée dans l’arène de la victoire au Centre National de Basket ball par l’exécution de l’hymne national par la fanfare de la garde républicaine, et reprit en chœur par la foule. Aussitôt le président de la fédération centrafricaine de basket ball, François Péhoua est porté en triomphe ainsi que le coach Grussing. Au dehors, concerts de klaxon, où l’on assista à des scènes surréalistes, de grappes humaines juchées sur les toits de voitures ou camions, des véhicules bondés roulant à vive allure, vitres baissées avec des passagers torses nus, hors de l’habitacle et fanions aux couleurs nationales en main, s’exhibaient au vent. Tout le long des grands artères, la foule en liesse sautait, dansait, qui avec des feuilles de palmiers, de manguiers, symbole de réjouissance dans la pureté, de bénédiction aux divinités pour avoir exaucé les vœux de la population banguissoise en communion avec leur équipe de basket ball, nos champions encensés dans la pure tradition ancestrale.
La Coupe a été remise par le représentant du Président de la République, à l’équipe centrafricaine, car le Chef de l’Etat de l’époque Jean-Bedel Bokassa était en mission à l’étranger. Les héros en cette année de 1974 étaient :
#4 Dominique Ganabrondji, #5 Félicien Ngounio, #6 Sonny Pokomandji, #7 Gaston Gambor (James), #8 Mathieu Wilibozoumna (Wilis), #9 Barnabé Sanga (Papa Kimba), #10 Martin Ngoko (Sam Jones), #11 Jacques Séréfio (Africa), #12 Marcel Bimalé, #13 Koyou Koumbélé, #14 Jean Bengué, #15 Youssouf Adam et leur coach Grussing de nationalité américaine (USA) - Président de la fédération centrafricaine de basket ball François Péhoua.
A son retour, il fût accueilli à sa descente d’avion par l’équipe des champions d’Afrique, les vainqueurs du tournoi, avec leur capitaine Jean Bengué qui lui remis le trophée continental.
La première déclaration du Chef de l’Etat a été de décerner des distinctions honorifiques à ces valeureux fils de la nation puis de leur remettre, à chaque joueur une enveloppe de 300. 000 F cfa avec la promesse d’un complément de dotation en voiture Renault 4, au total 12 véhicules qui ne seront jamais gratifiés (promesse non tenue).
La fédération se contentera de gérer le Centre National de Basket ball, ancien hangar d’aéronefs aménagé et transformé en salle couverte de jeu, grâce au génie de François Péhoua, sur financement du trésor public centrafricain. Elle bénéficiera aussi du bus « Renault Super Galion » qui a servi pour le transport des joueurs de notre équipe nationale durant le 7ème championnat.
Toutefois la promesse d’honorer l’effort de la jeunesse centrafricaine dans la pratique du sport, a été concrétisée par la construction du stade omnisport, infrastructure moderne (basket, hand, volley), grâce à la coopération centrafricano-yougoslave. Bijou sportif, qui sera détourné de sa mission première durant de nombreuses années.
*Yassi-Toungou, un nom donné à la coupe d’Afrique des Nations par le populaire reporter sportif Jean Malé que tout le pays adorait suivre à la radio pendant les évènements sportif et surtout internationaux. Jean Malé adorait attribuer des noms, parfois des mélanges de Sango (langue nationale) et de sa langue maternelle, le Banda. Yassi-Toungou en l'occurrence signifie « une très belle fille noire et mince ».
*A ce jour nous avons connu la disparition de quelques élites membres de cette équipe qui a fait notre gloire en 1974, paix à leur âme, ce sont :
Martin Ngoko décédé dans les années 1980 des suites de maladie, et a été inhumé dans son village natal Koro-Mpoko à 50 kilomètres de Bossangoa,
Sanga Barnabé décédé en septembre 1996 à Bangui des suites de maladie, et a été inhumé à Bangui au cimetière de Ndrès,
François Péhoua décédé des suites de maladie en 2000 et inhumé à Bangui, repose en paix dans la propriété privée de Kolongo.
Jean Béngué décédé en France (Loir-et-cher) le 27 avril 2015, et repose en paix à Savigny-sur-Braye.
La victoire au 7ème championnat africain de basket ball de 1974 est un évènement qui a marqué la population centrafricaine, l’environnement sportif, a suscité des vocations dans la pratique du basket, et plusieurs clubs ont vu le jour, le nombre de licenciés a ainsi évolué. La mise en place du programme de mini basket bien suivi, a fini par générer une nouvelle catégorie de joueurs talentueux des années 80, qui conduira au sacre continental à Tunis, par la victoire de la RCA à la coupe d’Afrique des Nations en 1987 et, sa participation aux jeux olympiques de Séoul en 1988.