Par M’Pokomandji Sonny
Bamaraebook
Excellence Monsieur le Ministre de la Jeunesse et des Sports ;
Madame la Première Dame ;
Monsieur le Président du Comité National Olympique et Sportif centrafricain ;
Honorables et Distingués Personnalités en vos rangs, grades et qualités ;
Monsieur le Président de la FCBB ;
Messieurs les Présidents des Fédérations sportives ;
Chers parents & athlètes ;
La famille sportive est en deuil ;
Le Champion n’est plus ;
Notre Champion est parti ;
James, notre « 7 » national vient de perdre son dernier match contre cet adversaire impitoyable : la mort, cette mort cruelle.
Malgré nos montées de balle, nos passes décisives, James n’a pu travailler à l’aile comme il aimait le dire et le faire sur les terrains et salles de basket. Ce dernier match, il le jouait sur les lits des hôpitaux. Sa famille, ses enfants, ses amis l’ont accompagné, l’ont entouré comme ils ont pu ; dans la souffrance, dans sa souffrance.
Il a été terrassé par la maladie et la mort. La mort cruelle, inhumaine a pris le dessus.
En effet, depuis décembre dernier, avec la famille, les amis, les coéquipiers nous avons été à ses côtés, nous avons prié avec lui et pour lui, pour qu’il tienne bon.
Boston, notre mentor, notre père aurait dit : « James, tu peux » !
Lorsque le 6 mars dernier, mon épouse m’a dit au téléphone : « c’est fini » ! C’était comme si le ciel m’était tombé sur la tête. Pourtant en quittant James une semaine plus tôt, compte tenu de son état, je m’attendais au pire. Malgré tout, j’espérais une prolongation. Hélas, elle n’a pas eu lieu et le chronomètre s’est arrêté.
Ce champion, était un très grand champion ; un champion qui a marqué le basket africain, qui laisse sa marque sur le sport centrafricain.
Courageux, plein d’abnégation, travailleur infatigable, perfectionniste, James s’est hissé au niveau des meilleurs basketteurs du continent et il a tout gagné.
Plusieurs fois champion national, détenteur de très nombreuses coupes nationales dont les plus prestigieuses sont : les coupes B. BOGANDA, les coupes de l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique, les coupes du Président de la FCBB…
Trois fois champion d’Afrique des Clubs champions en 1973 au Caire en Egypte, en 1976 et 1978 à Bangui avec son unique club, le Hit Trésor Sporting Club ;
Double champion d’Afrique des Nations en 1974 comme joueur et en 1987 comme Ministre de la jeunesse et des Sports.
« Bokassa a kinda Senghor » ! Chantaient les Banguissois en 1974. Notre peuple était légitimement fier d’être derrière ses équipes nationales. Il faisait union avec ses « Ninkpa », entendre ses « minuscules sangsues » capables de faire mordre la poussière aux plus grands, aux meilleures équipes de basket.
En rapportant YASSITOUNGOU, la coupe d’Afrique des Nations, en 1974 et 1987, James et ses coéquipiers ont contribué à consolider l’unité et la cohésion nationales de notre pays.
Ministre de la Jeunesse et des Sports , Président de la FCBB, James a conduit notre jeunesse à confirmer que la République centrafricaine est un pays de basket en ramenant au pays de B. BOGANDA pour la deuxième fois YASSITOUNGOU; ce qui a permis à nos jeunes basketteurs d’alors de participer aux Jeux Olympiques de Séoul en 1987 ; tout comme leurs aînés, avec James, qui, treize ans auparavant avaient côtoyé la crème du basket mondial et rivalisé avec les treize (13) meilleures équipes du monde à Porto Rico .
En 1995 au Cameroun, il a remporté le tournoi des vétérans de l’Afrique centrale. C’est dire que, même ancien combattant, James a continué d’engranger les victoires et des trophées.
Quand j’ai annoncé à Guy DARLAN la disparition de notre champion, Jason m’a entre autres dit : « … le souvenir que je garde de lui n’est pas au basket mais en athlétisme lorsqu’il a battu mon record en saut en hauteur. C’était lors d’une compétition internationale et j’en parlais avec lui… ». Ce champion était champion dans presque toutes les disciplines sportives.
Président fondateur de l’Association « Sport, Santé, Développement » et membre fondateur de l’Association des Anciens Internationaux de Basket de Centrafrique (AIBCA) où il était Chargé de Mission, James a consacré une bonne partie de sa vie à l’encadrement, à l’épanouissement de la jeunesse ainsi qu’à la consolidation de la solidarité entre les générations.
En décembre 2017, il a obtenu à Radès en Tunisie la médaille du Filet et panier d’or de la FIBA et le 23 mars dernier à Abidjan l’Etoile de la Fédération Internationale de Basket Amateur (FIBA) en récompense et en reconnaissance de tous les services que James a rendus au basket centrafricain et africain.
Champion ! Que de bonheur n’as-tu donné aux Centrafricains et que de guerres n’as-tu gagnées au nom et pour le compte de la Nation centrafricaine ?
Mondialiste en 1974, James a foulé des centaines et des centaines de fois des salles de basket ; de Dakar à Kinshasa en passant par Abidjan et Bamako ; de Luanda au Caire en faisant un détour par Casablanca ou Tunis… mais aussi celles de la Suède, du Danemark, de la France, de l’Italie d’Espagne et j’en passe…
Aujourd’hui tu pars pour être oublié comme Igor Follot, Barnabé SANGA, papa Kimba, Gérard KIMOTO, Jacqueline MAGBOTIADE, maman Capi. Marie Aubert KABERO, Mme MAGEOT Renée maternelle ; Léon ZITONGO « Twist » François PEHOUA, ZANIFEI TOUABONA, Célestin BEDO, Maître Assingambi ZARAMBAUD, et tous les autres coéquipiers et dirigeants que je n’ai pas cités. Qu’ils me pardonnent.
Quel est ce pays qui n’a aucune reconnaissance pour ces valeureux enfants, filles et fils ? Quel ingrat pays qui débourse des sommes abyssales pour des criminels ou ceux qui devraient normalement arrêtés une mission, alors que des champions, des très grands champions survivent et meurent dans la misère !
Quelle est cette nation qui n’honore ses héros qu’à titre posthume ?
James, comme Martin NGOKO, Georges GODOUWA, Patrice ENDJIGBOMA, Mahamat AMIN, Pierre Happy WISSINKONG, Julius D’ALMEIDA, Marie ZOMOKA, Jean LIMBASSA, Eloi LIMBIO, Félix BENAM, Victor KODJO « demi Dieu » Jean BENGUE John… tu pars dans le dénuement ; mais riche de ta générosité et de ta bonté, de ta dignité d’avoir servi la nation et porté haut le drapeau « Bleu Blanc Vert Jaune barré de ton sang Rouge, celui de tes coéquipiers, de leur sueur et de leur dévouement…
Rarement, homme a été aussi constant en amitié. James était un homme généreux, serviable ; un homme qui a le cœur sur la main. Il le doit principalement à l’éducation reçue de papa Elie et de maman Anne.
Oui, maman Anne, ta maman chérie, cette grande dame, qui, comme une mère poule vous couvait, tes sœurs, frères et toi. Cette grande et brave dame, dans tous les sens du terme, respectée par tous, petits et grands dans notre quartier « Sangô », dans la ville de Bangui et dans les associations féminines où elle était une des animatrices et leaders.
Cette grande et brave dame disais-je, ne pouvais souffrir, qu’une fois, démis de tes fonctions de ministre, tu ne manquas d’argent de poche. Alors, elle t’en procurait, piochant dans ses économies provenant de ses revenus de commerce…
Cette générosité, tu l’as aussi consolidée auprès de nos dirigeants du basket qui nous ont communiqué l’esprit de camaraderie et de sacrifice.
Ainsi, notre champion se démenait, soulevait des montagnes pour adoucir la souffrance d’un coéquipier, d’un ami, d’un frère.
Willis pour Mathieu WILLIBOUZOUMNA ne se sentait pas bien, que James était le premier à aller à la pharmacie pour acheter des médicaments ; Alabama pour Jacques SEREFIO était souffrant, James allait bousculer la Direction de l’hôpital Communautaire pour lui trouver une chambre spéciale ; prenait en charge les frais d’hospitalisation. Tous les repas venaient de la maison, de chez lui et il veillait personnellement à ce que le personnel de maison, voire son chauffeur et sa femme ne trouvent aucun prétexte pour que Jacques ne manque de repas et qu’il ne mange pas à l’heure… James ne pouvait souffrir qu’un ami, qu’un coéquipier, qu’un frère soit dans le besoin sans qu’il ne le soulage ; parfois quand lui-même était démuni…
De Boston, notre père, tu as gardé la rage de vaincre mais aussi la joie de vivre. Autant, tu étais assidu sur les terrains de basket, autant aucun noctambule n’était surpris de te croiser dans des boîtes de nuit de Libreville, Douala, Abidjan, Dakar, Bangui, voire Paris où tu trémoussais souvent avec les autres amis et frères noceurs et parfois avec ton « kià Sikô» et Martin YANDO… C’était là aussi un autre environnement de notre James national.
James aimait la vie et il l’a croquée à belles dents. Nous l’aimions tel qu’il était, dans son style et son genre.
Il avait tenté de se lancer dans les affaires ; non pas parce qu’il voulait gagner de l’argent mais plutôt dans sa volonté permanente d’assister parents et amis.
Il n’était donc pas surprenant qu’il confia la gestion de « Prestige » la boîte de nuit à « TOKIS » de son nom TOKANDAS et celle des deux taxis à Magloire MAGBA. Ces affaires n’ont pas fructifié ; mais pour James, l’essentiel était la main tendue aux amis afin de leur assurer quelques revenus et surtout pour consolider la fraternité.
James avait une clairvoyance et une intelligence hors pair qui lui ont permis de se sortir souvent, pour ne pas dire toujours, des sentiers battus avec la moindre casse.
Ayant été débarqué de l’avion, à l’aéroport Bangui ville, alors que l’équipe nationale effectuait une tournée à Kinshasa et à Libreville, il a trouvé le moyen de nous rejoindre au Gabon.
Une fois à Libreville, après qu’il eut complété l’effectif, il n’a malheureusement pas joué, écarté par les dirigeants pour s’être baigné à la mer. Nous étions pourtant trois (Igor FOLLOT, James et moi) à faire cette escapade. James n’a pas supporté cette situation et s’est juré de prendre sa revanche. Il s’est mis au travail et est devenu un des meilleurs si non le meilleur d’entre nous. Il n’a plu jamais manqué aucune sélection et ce pendant plusieurs années. C’était son esprit de gagneur et il n’en était pas peu fier.
Je dois ajouter qu’il a été la vedette au cours de la soirée dansante organisée à l’occasion du tournoi de Libreville. Sacré James !
Au-delà de tout, TU ADORAIS TES ENFANTS. Tous tes enfants, les tiens, ceux de tes frères et sœurs. Tu les aimais plus que tout et rien, mais vraiment rien ne pouvait vous séparer ; même pas la distance. Et en retour, ils te l’ont bien rendu.
Pour tes 70 ans, il y a de cela six mois, en septembre dernier, le cadeau qu’ils t’ont offert, était tellement beau et la surprise, bien gardée, était si grande que, comme un gamin, tu t’étais mis à pleurer.
En effet, « Daddy » comme elle aimait t’appeler, et dont tu ne pouvais soupçonner la présence à cet anniversaire, était venue de France, s’était « planquée » chez sa sœur afin de conserver le secret ; Sandy, c’était elle, avec ses sœurs, frères, tes amis t’ont fait ce dernier plaisir ; ce dernier cadeau de ce dernier anniversaire. C’était beau ; c’était émouvant !
J’étais naturellement convié à cet anniversaire. Maintenant que l’on m’a raconté cette agréable surprise, je ne peux que regretter mon absence car la seule fois que je t’avais vu pleurer, c’était en finale du championnat d’Afrique des Nations en 1974 contre le Sénégal. Ayant envoyé dans le décor NDER, le meneur de jeu Sénégalais alors que je t’avais supplié de ne pas le faire, tu as été disqualifié, nous abandonnant sur le terrain de bataille. Pris de remord et plein de chagrin comme un soldat abandonnant ses frères d’armes, ses coéquipiers, tu n’as pas pu supporter et tu as pleuré jusqu’à la fin du coup de sifflet final. Pour toi, pour le PEUPLE centrafricain, nous avons gagné YASSINTOUNGOU et séché tes larmes.
Aussi, en retour, M’Pokson te demande-t-il aujourd’hui de sécher nos larmes, de sécher les larmes de tes épouses, de tes enfants, de tes frères et sœurs, de tes amis, des centrafricains qui te pleurent aujourd’hui.
Dans tes dernirs jours, tes dernières heures, tous tes enfants venus à ton chevet, de partout, des Etats-Unis d’Amérique, d’Afrique, des villes de province de la France, de Centrafrique ; ils ont prié et évoqué le Seigneur pour ta guérison. Ils voulaient fortement que tu restes encore avec eux, parmi eux … et il me revient à l’esprit le mot qu’un de tes petits enfants t’avait fait parvenir et que tu avais fait coller dans ta chambre d’hôpital ; « Papy, reviens vite à la maison »
Nous dirons maintenant, aujourd’hui à ce bout de choux que : « Papy est parti » … Au ciel pour veiller sur toi !
Merci à toutes les mamans, mère et épouses qui ont partagé ta vie, qui t’ont supporté et comme dit la fameuse publicité : « Les Centrafricains l’ont rêvé… Les mamans l’ont fait ».
Elles t’ont façonné et nous ont donné un très, très GRAND CHAMPION. Nous leur en sommes gré. Merci infiniment mamans !
Merci James de nous avoir donné tant de bonheur ; même si, jusqu’à la fin du match, jusqu’à ton dernier souffle, tu as continué de nous dribler. Alors que nous avons encore besoin de toi, tu as tiré ta révérence.
Tu fais désormais partie de notre histoire, de l’histoire du Centrafrique et une page de notre histoire se tourne aujourd’hui ; mais ton souvenir restera gravé dans la mémoire collective.
Adieu James, Adieu mon frère…
Tu nous manqueras !
Merci beaucoup la synthèse le Grand Témoin Excellence
Soni Pokomandji
Merci encore